L'Etudiant Libéral à Mons
En sa séance du 21 octobre 1836, le Conseil Provincial prend la décision de créer à Mons une "Ecole Provinciale des Mines du Hainaut" dont les premiers cours auront lieu le premier lundi de novembre 1837.
Assez rapidement, les étudiants de la nouvelle école vont « s'associer » afin de créer un groupement représentatif appelé « Cercle Libéral » (1). Sans y voir immédiatement un signe de reconnaissance, Les traces des premières casquettes datent de 1839/40 à l'école des mines (2). Il s'agit d'une casquette de drap vraisemblablement de couleur bleue foncé (ou noire ?) et portant une courte visière de toile cirée. L'ancêtre le plus probable des pennes actuelles.
L'historique officiel de la Faculté polytechnique précise que le 30 octobre 1887, le Duc d'Ursel, gouverneur de la province, représentant Léopold Il, va fêter les 50 ans de cette première société en confiant à J. Alardin, président de la Société générale des étudiants, le premier drapeau du cercle étudiant en lui disant : «Au nom du Roi, je vous remets ce drapeau, symbole d'union et d'attachement à votre Ecole et à la Patrie». Le Gouverneur ne s'est pas déplacé uniquement pour remettre ce drapeau mais également pour remettre au Recteur Devillez les insignes de commandeur de l'Ordre de Léopold.
Comme le rappellera plus tard " L'Etudiant Libéral", magazine politique et Littéraire de l'Université de Liège qui fait référence dans son édition du 06 Mars 1913 au festivités données dans le cadre des 75 ans de l'Ecole des Mines à Mons, la Société Générale est une société « Libérale », ce qui se traduit pour notre époque par « Non confessionnelle ». (Reprise par ailleurs dans les différents Almanachs) même si, sous la pression des conseillers provinciaux catholiques (Qui tentait depuis 50 ans de faire « fermer » cette institution sans dieu) la politique et les activités politiques furent un moment abolies de la faculté.
Le Duc d'Ursel, qui est catholique et formé à l'université catholique de Louvain n'offre visiblement pas le premier drapeau à la société générale des Etudiants mais bien le deuxième, tentant, par un subtil changement de couleur de l'Oriflamme, de faire oublier les origines libérales et anticléricales du cercle ... Pourtant, 12 ans après, c'est toujours le premier drapeau « Bleu » qui accompagne la société générale des Etudiants dans ses fêtes et ses sorties. (4)
En 1899, la création par des universités non-confessionnelles de deux écoles de Commerce (L'une à Bruxelles sous l'impulsion de E.Solvay et l'autre à Mons sous l'impulsion de R .Warocqué) va provoquer un électrochoc chez les conseiller provinciaux catholiques du Hainaut. Alors qu'un vent « favorable » souffle pour eux depuis les élections du 10 juin 1884 qui furent un désastre pour les libéraux, écrasés et écartés du gouvernement pendant 30 ans.
Le gouvernement avait commencé à anéantir l'œuvre scolaire des libéraux. La troisième loi organique de l'enseignement primaire, dite loi Jacobs du 30 août 1884 avait dépouillé l'état de son monopole scolaire et en 1895, François Schollaert, ministre de l'Intérieur et de l'Instruction Publique, avait fait voter une quatrième loi organique de l'enseignement primaire, d'un caractère ouvertement confessionnel... et pendant ce temps-là, les anticléricaux créaient des facultés universitaires !
La réaction fut immédiate et une Ecole Supérieure Commerciale et Consulaire qui avait été créée deux ans plus tôt à La Louvière sous l'impulsion d'un groupe d'industriels (catholiques cette fois) du Hainaut et du Gouverneur de la Province, le Baron du Sart de Boulant, fut transférée à Mons, Grand-Place, à l'ancien Hôtel de la Couronne. Elle y deviendra « La consule ». Un Chanoine, Augustin Wautier, en était le Directeur.
Deux cercles étudiants y furent rapidement (en 1899) fondé « La Calotte Montoise » (7) et « L'Union ». Deux ans plus tard, ces deux sociétés fusionnaient pour devenir « La société générale des étudiants catholiques de Mons. »(8)
Cette deuxième « Société Générale de Mons » disposa rapidement d'un organe de presse « L'Amical » et surtout d'un appui considérable des députés provinciaux catholiques. L'abbé Van Caeneghem, Directeur de l'école en 1902, devient président d'honneur de l'association.
Les velléités cléricales vont être de mise dans le journal « L'Amical » qui ne semble pas l'être envers les étudiants libéraux et des tentatives de séduction de certains étudiants de l'Ecole des mines, favorables aux idées cléricales, vont se traduire par des articles peu au goût de la Société Générale des Etudiants des Mines (5). Le Professeur Maquet, directeur de l'Ecole des mines et ancien président d'honneur de la Société des étudiants libéraux fut un soutien inconditionnel pour le maintien des valeurs libérales au sein de l'Ecole des Mines (9).
La fraternité qui liait certains étudiants de l'Ecole des mines et de l'Ecole Commerciale fit que les « Mineurs » se virent offrir des colonnes dans « L'estudiantina » qui était le journal des « commerciaux ». L'idée d'une presse commune chemina dans la tête des dirigeants des deux cercles et l'année 1914 vit la création de « L'assaut », journal anticlérical commun à l'Ecole des Mines et à l'Institut Commercial.
Les rares étudiants de l'Ecole des Mines affiliés à la « Société générale des étudiants catholiques de Mons » l'ayant déserté après le conflit mondial de 1914/1918, La société devient la « Société Générale Consulaire » ou (Gé Consulaire - comme repris sur les médaille de l'Ordre du Doudou) et finalement CEFUC lors du changement de nom en « Facultés universitaires catholiques de Mons » en 1965.(11)
L'assaut n'a pas survécu au conflit mondial et donnera, après la première guerre mondiale, le journal « Mons estudiantin », scellant définitivement les volontés libérales et anticléricales communes de l'école des mines et de l'école commerciale (10).
Les cercles politiques ont disparu du paysage montois après la seconde guerre mondiale mais j'avoue que les vibrants « A bas la calotte » des cortèges arrêtés au pied de la Collégiale Sainte Waudru me mettent toujours des frissons dans le dos ... On ne me refera pas.
L'Ambassadeur de la SDN
Emmanuel « Le Pharaon » JANSSEN
(1) Société Générale qui existe quasi depuis la fondation de l'École. Elle portait alors le titre de Cercle Libéral, titre qui lui convenait on ne peut mieux dans une localité qui fut pendant si longtemps l'un des derniers remparts du parti libéral belge. Mais sous la censure, on peut dire sous le joug de nos chers gouvernants, tout s'abaisse, tout se déprime, et la Jeunesse qui était autrefois le refuge des idées libres et justes semble fléchir à son tour sous le poids du harnais. (Extrait de l'Almanach de l'Etudiant Liberal de Gand - Année 1899)
(2) On tire d'une carte postale de l'époque de 1841 (Collection B.Vrancken), qu'un certain « Adrien D.» a reçu une astreinte de 20 centimes en plus de sa cotisation mensuelle à la Société des Etudiants Libéraux pour avoir « omis sa casquette en assemblée ».
(3) Cfr édition du 06 Mars 1913 de « l'Étudiant Libéral » ; Journal Universitaire Liégeois.
(4) L'ancien drapeau bleu, acheté en 1847 existe toujours et continue comme par le passé à mener les futurs ingénieurs aux fêtes et aux réjouissances. (Extrait de l'Almanach de l'Etudiant Liberal de Gand - Année 1899)
(5) Les étudiants calotins de Mons ont un canard. Lors du dernier Jubilé de l 'Ecole des Mines, " L 'amical ", le susdit canard calotin, inséra quelques allusions qui ne laissaient aucun doute sur leurs « velleïtés cléricalisantes de l 'Ecole des Mines ». Ces messieurs prétendaient prendre dans le succès de l 'Institution de Guibal et Devillez une part à laquelle ils n 'avaient aucun droit. (Extrait de l'Almanach de l'Etudiant Liberal de Gand - Année 1914)
(6) Il fallait aux camarades miniers un canard qui pût supprimer cet état d'infériorité. Peter , Rédacteur -Chef d'Estudiantina, l 'officiel de l 'Institut commercial, comprit cette situation pénible et offrit gracieusement aux copains attaqués l 'hospitalité dans les colonnes de son journal. De là, à fusionner, à former un seul et même journal, défendant les intérêts communs, il n 'y avait qu'un pas. Il fut franchi et l 'Assaut était fondé. (Extrait de l'Almanach de l'Etudiant Liberal de Gand - Année 1914)
(7) A noter que cette « calotte montoise » n'a strictement rien à voir avec l'actuel « Ordre de la Calotte Montoise » et qu'ils n'ont jamais porté la « calotte » créée 4 ans (1895) plus tôt à Bruxelles. Les étudiants de l'Ecole Consulaire porteront, comme leurs « grands frères » de Liepzig, un Tellermuze dont la penne consulaire est la survivance actuelle (Cfr Photo 04).
(8) Tiré de « L'annuaire de l'étudiant Catholique » Gand 1902
(9) Monsieur Macquet ne cache pas ses opinions politiques et affirme catégoriquement ses idées. Pour des motifs indépendants de sa volonté, il dut, l'année dernière, donner sa démission de président d'honneur de la Société des Etudiants libéraux, mais il reste et restera toujours de tout coeur avec nous. (Extrait de l'Almanach de l'Etudiant Liberal de Gand - Année 1902)
(10) Cfr Photos 01 et 02
(11) Cfr Photo 03